Une vie entropique…
Vous arrive-t-il souvent, dans la vie, de vous retrouver dans une sensation de stase, d’immobilisme ? d’avoir l’impression de ne pas avancer dans la réalisation de vos aspirations les plus profondes, malgré une volonté farouche de vous épanouir et de donner le meilleur de vous-même. Cette frustration, bien que sourde, est omniprésente. On a des projets, des rêves, des passions qui nous animent, mais un nombre infini de facteurs extérieurs viennent inexorablement ralentir, voire stopper, cette progression. Il y a ces petites obligations quotidiennes qui s’ajoutent sans cesse : le ménage à faire, les courses à acheter, les enfants à s’occuper, la famille à soutenir. Chacune de ces tâches, bien qu’indispensable à la bonne marche du quotidien, s’apparente à un frein. Elles nous éloignent petit à petit de ce que nous désirons vraiment accomplir, et à mesure que le temps passe, l’impression d’être englouti par des exigences toujours plus pressantes devient de plus en plus forte.
Il m’arrive des fois, et ce depuis de nombreuses années, de faire des rêves où ma volonté d’entreprendre une activité qui me passionne est soumise à une impossibilité matérielle. Amoureux du ski depuis ma tendre enfance, et ayant vécu jusqu’à la fin de mes études à la montagne, il arrive que ma frustration des sensations de ce sport de citadin parisien s’invite dans mes rêves. Je suis là, au pied des pistes, mais il me manque du matériel, un ski, des chaussures trop grandes, pas de veste…je ne suis pas à l’aise et je ne peux donc assouvir ma pratique, je ne peux pas ressentir les sensations que j’aime ! Aussi, j’ai pratiqué plusieurs années de la musique, j’étais batteur. Cette sensation d’épanouissement lorsqu’on joue avec d’autres musiciens, d’harmonie, est magique ! Dans mes rêves je me retrouve des fois sur le tabouret face à la caisse claire, mais il y a toujours un problème, le tabouret est trop petit ou trop éloigné, la caisse claire trop basse, la pédale de grosse caisse défectueuse… Ces rêves sont peut-être la retranscription d’une frustration due aux aléas de paramètres indépendant de ma volonté.
Cette lutte constante pour maintenir l’équilibre dans un monde en perpétuel mouvement génère une angoisse omniprésente. Le sentiment de frustration se fait sentir au quotidien : chaque minute consacrée à des tâches considérées comme extérieures à soi-même est vécue comme une perte de temps irrémédiable. Cette perte n’est pas simplement matérielle, elle touche le cœur même de la personne, son être profond, celui qui aspire à une vie plus cohérente avec ses désirs et ses passions. Or, le monde, par sa nature entropique, semble imposer une loi implacable : tout ce qui n'est pas constamment entretenu, maintenu, soutenu, finit par tomber en décrépitude. C'est le chaos qui guette, à chaque instant. Entretenir les relations, les obligations familiales, la carrière professionnelle, la santé personnelle… tout cela est un fardeau qui semble croître à mesure que l'on tente de le gérer. Le devoir de maintenir l'ordre, de lutter contre la dégradation, devient presque un impératif moral.
À cette lutte contre l'entropie s’ajoutent les forces externes qui accentuent cette pression intérieure. Le monde contemporain, avec ses crises économiques, ses conflits géopolitiques incessants, et ses médias anxiogènes, n’est pas un environnement favorable à la paix intérieure. La guerre, l’incertitude économique, la montée des inégalités, les crises sanitaires… toutes ces réalités s’imposent dans notre quotidien, alimentant une angoisse collective qui s’infiltre insidieusement dans la sphère individuelle. L’individu, à la fois spectateur et acteur de ce chaos, se retrouve souvent coincé entre ses aspirations à l’accomplissement personnel et la nécessité de répondre à des urgences extérieures. La pression sociale et médiatique l’invite à se concentrer sur ce qui est immédiat, sur ce qui est tangible, parfois au détriment de ce qui relève de la construction de soi à long terme.
Cette réalité présente un double frein : un frein externe, lié à la complexité du monde qui nous entoure, et un frein interne, plus insidieux, qui émane de la perception de notre propre impuissance face à ces forces extérieures. Le monde semble exiger de nous une forme d’engagement constant dans des tâches d'entretien, de maintien, voire de réparation. La quête de soi devient alors un projet secondaire, souvent relégué à la périphérie de notre existence, noyé sous les vagues incessantes des obligations et des préoccupations.
Cependant, malgré cette inextricable accumulation de frustrations et de pressions externes, il existe une voie possible vers la quiétude intérieure : celle de l'acceptation. Accepter que le monde extérieur soit tel qu’il est, avec ses crises, ses déséquilibres et son entropie. Accepter aussi que notre place dans ce monde soit marquée par la finitude et l’imperfection. Cette acceptation ne signifie pas une résignation, mais plutôt une forme de sagesse : comprendre que nous ne pouvons pas tout contrôler, que certaines choses échappent à notre maîtrise. C'est dans cette acceptation que réside une forme de paix intérieure, une capacité à être présent dans l’instant, sans chercher à fuir la réalité ou à la modeler selon nos désirs. C'est accepter la danse du monde tout en avançant à notre rythme, sans chercher à résister à ce qui est.
L’acceptation de cette condition, loin de brider nos aspirations, permet finalement de les apaiser. Quand on cesse de lutter contre le temps et le chaos, on libère une énergie nouvelle. Ce n’est plus le temps qui nous échappe grâce à la manière dont nous choisissons d’y répondre. En nous détachant du besoin de tout maîtriser, nous trouvons l’espace nécessaire pour nous réaliser, pour avancer à notre propre rythme, dans un mouvement plus serein. C’est ainsi que, même dans un monde en perpétuelle dégradation, nous pouvons espérer trouver l’équilibre et l’épanouissement : non pas en luttant contre l'entropie, mais en apprenant à danser avec elle.
Cette réflexion m’inspire beaucoup au travers de ma peinture. Cette notion de chaos entropique est un thème qui laisse une belle part à l’abstraction émotionnelle, à la matière car l’entropie est intimement liée au concret, au matériel. Cette notion est imbriquée avec celle de la place du soi dans ce monde mouvant et décroissant. Nous sommes là pour soutenir le monde par nos actions quotidiennes et notre construction de vie. Nous nous plaçons donc à mi-chemin entre le chaos et l’ordre. Vous pouvez ressentir cette sensibilité et cette réflexion dans mon œuvre « Entropy ».
Et vous cela vous arrive-t-il aussi d’entrevoir le monde comme une lutte permanente au maintient de sa viabilité ? Rejoignez mes contacts privés afin que nous puissions échanger sur le sujet et apporter votre expérience et votre soutien à mon travail d’artiste.